Né en 1890 à Liège et mort à Saint-Michel lez-Bruges le 1er octobre 1918, Louis Boumal fut écrivain, poète et militant wallon du début du XXe siècle.
Docteur en Philosophie et Lettres, il sera ensuite officier d'infanterie lors de la première Guerre mondiale.
Louis Boumal signe un premier recueil en 1910, « Poèmes en deuil », puis deux solides études : «Renaissance septentrionale au XIVe siècle » et « Diderot et ses amis wallons», en 1912.
Professeur de rhétorique à l'Athenée de Bouillon, il consacre un essai historique à cette ville «Une ville wallonne, Bouillon à la fin du XVIIIe siècle » (1914). Il collabore souvent à la revue "Wallonia".
Durant la Première Guerre mondiale, il publie « Lettres de soldat », fonde une revue derrière le front intitulée « Les Cahiers» et il collabore également à "L'opinion wallone".
Il meurt de la grippe espagnole, le 29 octobre 1918, à Saint-Michel-lez-Bruges. "Un Jardin sans soleil" est son principal et dernier recueil de poèmes, publié posthumément. Ses poèmes, écrits au front, expriment la mélancolie de l'éloignement forcé et le regret du bonheur abandonné au pays natal.
Il avait conquis sur le champ de bataille son étoile de lieutenant et avait été fait Chevalier de l' ordre de la couronne.
Reste ici... In : Oeuvres.
Reste ici. Le chemin tout à coup devient sombre,
Et dans les vergers gris, les arbres frémissants
traînent sur le gazon trop de formes et d'ombre
En agitant au ciel leurs faîtes grimaçant.
Les yeux d'or des hiboux sous les feuilles méditent,
Et dans les bois il passe un souffle de terreur,
Au point que, dans la paix du soir, on sent la peur...
Les phalènes en rond s'arrêtent, interdites.
Reste. Les jardins noirs s'étendent au tournant.
Voici trembler au loin les lampes du village.
Appuie un peu sur moi ta tête et fais semblant
De n'avoir que du rire heureux sur ton visage.
Dis-moi quelque chanson très douce en ton patois -
Les patois ont des mots troublants comme les brises -
" Le Petit Musicien " ou " Le temps des Cerises "
Ou chante ce poème où l'on parlait de toi.
Plutôt ne me dis rien. Laisse dans le silence
Faiblir à petits coups tes battements de coeur ;
Et, douce, apaise en toi le trouble de la peur,
Et que tes yeux fermés fassent déjà l'absence.
Puis tu retourneras à la frêle maison ;
Et les jours revenant, ternes et fatidiques,
Aviveront encor les airs mélancolliques
Des jardins et des bois de l'arrière-saison.
Et le calme t'aura reprise toute entière.
Menus propos. Heures à coudre au coin du feu.
Soirs à rêver. Momments à lisser les cheveux,
Et longue promenade aux sentes familières.
Parfois tu reliras au livre commencé,
Sans savoir qui te plaît, Baudelaire ou Verlaine ;
Et ton rêve à mon rêve une nuit fiancé
te fera souvenir, étrange, de ta peine.
Et moi je reviendrai quelque jours de soleil.
Tu serais pâle et douce avec ta robe blanche.
Les arbres serait clairs d'avril, et les pervenches
Fleuriraient les chemins de leur éveil.
Les oiseaux chanteraient aux branlantes murailles,
Les bois se rempliraient de divines sonnailles,
Et ce serait le carillon des fiançailles.